Postée sur la Lune, voilà un temps infini que je contemple le cosmos, comme un tableau aux mille couleurs dans lequel j’aurais plongé la tête la première. L’espace tisse sa sombre toile et pourtant, des confettis s’en échappent. Ils ne cessent de se sauver les uns après les autres, une véritable tempête qui ne se fatigue jamais. Parfois, des éclairs jaillissent, voyagent d’astéroïdes en astéroïdes, contournent les météorites, cavalent ainsi à la vitesse des étoiles, parvenant à semer le son qui, à cause de sa lenteur, ne sait plus quel chemin prendre pour les rattraper. Quand ils se plaisent bien quelque part, les éclairs produisent des tons, se changent en aurores polaires, certaines aussi fines que les filaments d’une ampoule, d’autres plus épaisses que les nuages gris. Je repose donc ici, sur le sable lunaire, dans une époque qui n’a ni commencement ni achèvement, parce que je suis avant tout digne de respirer parmi les cieux. Les étoiles, une fois libérées de la terrifiante toile nocturne, errent ici et là, très souvent autour de la Lune, à moins qu’elles soient trop nombreuses. C’est vrai que la Lune est attirante, sur elle, je suis un aimant qui s’accroche, si toutefois il est possible de tomber. Il n’y a que les ombres qui tombent, parce que ce sont les seules qui ne savent pas voler. Pour savoir voler, il suffit de sauter, seulement, je n’en ai jamais eu le courage.
Ils sont tous si près, si imposants à circuler au-dessus de moi. Je prends beaucoup de plaisir à les admirer, la passion de la découverte est ce qui m’a entraînée ici, mais j’ai trop peur d’être propulsée à des années-lumière de la Lune, cette splendide Lune qui a eu la bonté de m’accueillir en son sein. Ces étoiles qui filent à toute allure sont si charmantes. Dans le monde d’où je viens, j’entendais dire que notre corps serait désintégré s’il était propulsé à la vitesse de la lumière, et je suis bien trop confortablement installée sur mon poste d’observation pour trouver l’audace de me redresser. Non. Au fond de moi, je le suis depuis toujours, depuis que je suis née, depuis la nuit des temps. Tandis que je regarde l’immense toile s’effilocher de part et d’autre du cosmos, je pense à ma solitude. Je suis certaine que les étoiles aussi sont désintégrées quand elles filent à une telle vitesse, et non qu’elles tombent avec les ombres en poussières. Tant que je ne me décide pas à sauter, je resterais accrochée à la Lune pour l’éternité.
Malgré toute l’agitation qui parcourt les galaxies, tous les astres qui tournent, les étoiles qui chauffent, les éclairs qui scintillent, je me sens seule. Je ne sais si cela me plaît de l’être, mais je le suis. Plutôt que d’y penser, je préfère voir jusqu’à devenir aveugle.