Le Haut-Karabagh n’est plus. L’Arménie seule contre tous.

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Le Haut-Karabakh sera bientôt désert. D’après l’Arménie, ils sont 100 000 adultes et enfants, sur les 120 000 habitants, à avoir quitté leurs terres, empruntant la seule route qui relie les deux territoires : le corridor Latchine. Pour ce passage comme pour le Haut-Karabakh, le passé est connu. L’avenir l’est aussi, puisque le Haut-Karabagh n’existera plus en 2024.

Depuis 1991, la république de l’Artsakh, nom arménien du Haut-Karabagh, avait autoproclamé son indépendance, pourtant non reconnue par la communauté internationale. Peuplée de 120 000 arméniens, cette enclave est située au cœur de l’Azerbaïdjan, non loin des frontières de l’Arménie. Terre de traditions et de cultures, l’Artsakh risque cependant d’assister à la destruction de ce qui fait sa richesse. « Ils commencent à détruire des monuments, ils détruiront sûrement des cimetières, des écoles… », prédit Sévane Mardirossian, présidente de l’association Croix Bleue des Arméniens de France (CBAF) qui est présente sur les lieux. « C’est terrible d’autant plus qu’aucun monument n’est inscrit dans le patrimoine mondial de l’UNESCO et ne bénéficie donc d’aucune protection », déplore-t-elle.

Le Haut-Karabagh, un havre de conflits

Peu après l’indépendance, une première guerre a éclaté en 1994 entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour le contrôle du territoire. L’Arménie a gagné cette guerre et a surtout « récupéré » ce qui lui appartenait. Suite à la deuxième guerre de 2020 et aux multiples cessez-le-feu qui ont échoué, l’Azerbaïdjan a gardé un droit de passage au corridor de Latchine, sous le contrôle de la Russie. Une dernière date avant celle du 19 septembre 2023 assombrit davantage le tableau. « L’attaque-éclair a été très vite parce que l’Artsakh est affaiblie », raconte Gérald Prévot, trésorier de l’association Hayastan en Berry. « La vie au sein de ce territoire est devenue dramatique à partir du blocus instauré par l’Azerbaïdjan le 12 décembre 2022 », précise-t-il. La population bénéficiait encore des produits de première nécessité jusqu’en juin 2023. « Au début de l’été, les camions russes n’ont plus rien apporté », renchérit la présidente du CBAF, « les communications étaient très limitées, personne ne pouvait ni entrer ni sortir ».

Aujourd’hui, les Arméniens de l’association Hayastan en Berry ont le sentiment que leur situation est éclipsée par le conflit en Ukraine. « Bien sûr qu’il faut soutenir l’Ukraine », disent-ils, « mais on a l’impression qu’on n’intéresse personne. Est-ce que le sang d’un enfant arménien vaut moins que celui d’un enfant ukrainien ? », s’interrogent-ils.

Carte de nos jours exposant la situation géographique de l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Le Monde, Haut-Karabakh : comprendre ce conflit centenaire qui embrase les relations entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, Jean-Philippe Lelief, 22 septembre 2023.

« On apprend aux enfants à détester l’Arménie. »

Si on observe la carte de cette partie de l’Europe de nos jours, on constate que l’Arménie est entourée de la Géorgie, la Turquie, l’Iran et l’Azerbaïdjan. Pourtant, aucun de ces pays limitrophes n’apporte un soutien clair au pays de plus en plus démuni. L’Azerbaïdjan entretient « une haine ethnique profonde envers eux », s’indigne la présidente de la CBAF Sévane Mardirossian. « Depuis 30 ans, l’Azerbaïdjan bourre le crâne des enfants et leur apprend que l’Arménie est leur ennemi. »

En 2021, il existait même à Bakou, la capitale azerbaïdjanaise, une exposition présentant des casques de soldats arméniens tués lors du conflit de 2020. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres qui témoignent d’une stratégie politique ancrée et établie. L’objectif à terme est clair, selon le trésorier de l’association Hayastan en Berry Gérald Prévot : l’Azerbaïdjan et la Turquie veulent « éliminer l’Arménie de la Terre. Erdoğan [actuel président de la Turquie, ndlr] ne s’en cache même pas. Il ne qualifie plus les Arméniens par leur nom, mais par « le reste de l’épée » [référence qui désignait les Arméniens qui avaient échappé à l’extermination de l’armée ottomane] ».Pour mieux comprendre le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, je vous invite à lire l’article de Laurent Leylekian, Aperçu historique et juridique du conflit Arméno-Azerbaïdjanais (août 2023).

Nous sommes nos montagnes, Sarkis Baghdassarian (1967), est une sculpture située à la capitale du Haut-Karabagh. Elle est le symbole de la république autoproclamée. Image libre de droits sous licence Pexels.

Qui soutient l’Arménie ?

Si tous les pays limitrophes sont impliqués ou neutres face au drame qui se produit en Arménie, ce pays a-t-il le moindre allié ? La guerre de 44 jours en 2020 s’est déroulée dans « l’indifférence générale » selon Gérald Prévot. D’après lui, un des facteurs qui jouent dans l’intérêt d’un pays en guerre porté par l’Union Européenne est les ressources dont le pays dispose. L’indifférence ? Pas tout à fait puisque le blocus du 12 décembre 2022 a été condamné par plusieurs instances dont la Cour Européenne des droits de l’Homme, « sans pour autant poser de sanctions », se désole le trésorier. Les autres raisons d’un tel acharnement sur l’Arménie de la part de l’Azerbaïdjan seraient sans doute religieuses. 97% des arméniens sont chrétiens, et 96,5% de la population en Azerbaïdjan est musulmane, dont environ 75% de chiites. Enfin, la raison pour laquelle l’Union Européenne se fend de déclarations creuses est relative à la relation fragile qu’elle entretient avec la Turquie, pays qui contrôle de façon stricte l’immigration illégale. La stratégie politique évoquée plus tôt se nomme la « realpolitik ». Largement acceptée, il s’agit d’une gestion diplomatique de la paix par la prise de décision tout en conservant un maximum d’options. Face à une telle stratégie politique, l’Arménie est-elle condamnée par sa solitude, subissant les conséquences de sa position géographique et diplomatique ?

Un avenir Arménien incertain

« On ne veut pas croire qu’on perdra le Haut-Karabagh mais on ne voit pas comme ça pourrait se régler autrement », s’inquiète Sévane Mardirossian. À court terme, l’Arménie « risque de disparaître », avertit Laurent Leylekian. Ce qui n’arrange rien, c’est que « la Russie a besoin du maintien de conflits dans la région, c’est la seule justification de sa présence. Le pays peut pousser l’Azerbaïdjan à revendiquer le Syunik [sud de l’Arménie riche en minéraux, ndlr] ». Mais il ne faut pas pour autant lier le passé au présent. « Pourrait-on dire que l’Israël, la Turquie et l’Azerbaïdjan veulent finir le génocide [de 1915, nldr] ? Peut-être… », s’interroge Ilya Roubanis, politologue et docteur en relations internationales à l’Institut universitaire européen de Florance. « Mais il faut prendre de la distance parce que ce sont des conflits compliqués. Beaucoup de raisons expliquent pourquoi nous en sommes arrivés là, et ce qu’il s’est passé en Arménie en 1915 n’est pas comparable avec ce que le pays traverse aujourd’hui. Ça n’a pas de sens, l’histoire facile. »

Retrouvez cet article paru sur le site internet de notre média associatif Speech !

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– Gandhi.

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