À l’annonce de l’annonce du Prix du Roman des Etudiants 2023 organisé par France Culture le dimanche 10 décembre, Rocky : le dernier rivage a toutes ses chances de l’emporter. Le dernier roman post-apocalyptique de Thomas Gunzig explore le syndrome du survivant dans un climat à la fois drôle et triste.
Cinq ans de vie de la dernière famille terrestre
La narration aux points de vue multiples suit les traces d’une riche famille recluse depuis cinq ans sur une île tout-confort, en prévision de l’extinction de la vie sur Terre. Tandis que le monde meurt, eux mènent leur vie sur cette île comme si rien n’avait changé, alors que tout a changé. Un entrepreneur organisé. Une accro aux médicaments. Un ado alcoolique. Une jeune fille baignée d’illusions. Chaque membre de cette famille, déchirée au fil des ans, incarne une facette de l’humain en huit clos et nous interroge sur la valeur d’une vie dans son essence. Au cœur de cette dystopie, nulle échappatoire. Le temps défile et tout ce qu’il y a sur cette île assure une mort de vieillesse pour les quatre personnages.
Mais pourquoi vivre quand nous n’avons plus à travailler, à faire de courses, à entretenir des relations ? Enclavés dans une spirale psychologique infernale, les personnages entretiennent un cercle vicieux de haine aveuglante réciproque. Il n’y a ni entraide, ni ennemi commun à vaincre. Seulement des livres et des films par centaines de milliers pour s’occuper. La richesse et la stratégie les ont conduits à cette situation, les condamnant en un sens à vivre dans un monde où « il n’y aurait plus jamais d’albums en général. Plus personne ne ferait de musique. Ni de nouveaux films, ni de nouveaux romans, ni de nouvelles peintures. »
À la croisée des pages
Avec Frank, les pages s’organisent, trouvent des compromis et vident méthodiquement une réserve assez grande pour quatre vies humaines. Cette vie, Hélène la regarde défiler de l’extérieur. Ses pages ne sont qu’une lente agonie mêlée de médicaments et de crises de nerf. Celles d’Alexandre ne jurent que par la musique. Qu’adviendrait-il de lui si son iPod rend l’âme ? Enfin, c’est d’une écriture utopique que se dessine l’univers de Jeanne, qui hait ses parents pour l’avoir privée d’adolescence qu’elle voyait comme ses plus belles années. Assez grande pour le lycée, Jeanne attend de retrouver sa vie privilégiée. Combien de temps avant qu’elle ne réalise que son passé n’existera plus ? S’en rendra-t-elle jamais compte ?
Thomas Gunzig s’aventure dans son histoire à des temporalités et des points de vue différents, pour être au plus près de la façon dont chacun vit dans un monde où plus rien ne paraît avoir de sens. Ces altercations dans la chronologie peuvent inciter à sauter des passages. Mais qu’importe combien de pages le lecteur lira au final, car lire jusqu’à la fin tient de l’évidence.